La dernière sortie dans l’arène médiatique d’Éric Zemmour, dans l’émission de Thierry Ardisson, aura créé bien des remous.
S’en prenant à l’une des chroniqueuses de l’émission, Hapsatou Sy, sa sortie s’est montrée d’une inélégance rare, ce qui est piquant quand on sait que Zemmour se veut l’apôtre d’une élégance à la française qui se perd.
Je suis sûr que cette vieille règle « pas les lunettes / pas les vêtements / pas la famille » dans les cours d’école ne lui est pas étrangère….
Certes, nous n’allons pas lui reprocher, certainement pas, de débattre avec une femme, surtout dans un débat d’idées, chacun pouvant apporter la contradiction à l’autre, et c’est bien le jeu de ce type d’émissions que le journaliste fréquente depuis maintenant de longues années, souvent avec mordant et intelligence d’ailleurs.
Pourquoi d’ailleurs, au-delà du personnage, cette sortie fait-elle autant de bruit ? Probablement parce qu’elle touche à l’intime de chacun d’entre nous, son prénom, celui des siens, de ses parents, de ses enfants, c’est quelque-chose de tellement banal mais tellement précieux.
Mais il a eu tort, qu’il nous soit permis de tenter de lui expliquer ici en quoi, de notre point de vue, nous ne cautionnons pas sa sortie.
Tout d’abord, évacuons vite le forme, d’une rare goujaterie puisqu’il s’en est pris directement à la mère de sa contradictrice. Là encore, Zemmour lui-même rappelle souvent à raison qu’on n’est pas responsable de ses parents, et s’il y a bien un domaine dans lequel cela se vérifie, c’est bien dans le choix de son prénom. Il semble alors totalement ubuesque d’en faire le reproche à son enfant.
Mais le plus important n’est pas là, puisque le bulldozer Z pose en creux la question des difficultés d’assimilation depuis une trentaine d’années des enfants et petits-enfants d’immigrés, en prenant l’exemple du choix des prénoms.
Or, que vient faire cet exemple pour étayer cela ?
Pourquoi Zemmour fait-il du prénom « du calendrier », c’est à dire un prénom qui rende hommage à un Saint chrétien, un marqueur républicain ? Que tel mon Saint-Patron qui me vaut de porter le prénom de Sébastien, je sois transpercé de flèches par le journaliste et écrivain, mais cela ne tient pas. La France est une Nation dont la nationalité s’acquiert par le droit du sol, ou plus exactement une sorte de métissage si je puis dire entre le droit du sang et le droit du sol. On peut ainsi devenir français en étant né en France de parents étrangers, tout comme en naissant à l’étranger de parents français.
Et donc, on peut très bien devenir français avec ses parents qui s’appellent Michel et Marie, camerounais tous deux, en naissant à Concarneau ; ou bien en naissant à Douala grâce à maman Jennifer et papa Goulven.
Et donc, quel prénom donner à son enfant ? Quel couple donnera un prénom calendaire à son enfant, et lequel donnera un prénom qui ne l’est pas ? Et si l’on suit le raisonnement de Zemmour, devrions-nous débaptiser les citoyens devenant français par naturalisation ? Ou le prénom deviendrait-il un critère supplémentaire ?
Surtout, la France est une nation politique, pas une nation ethnique. Nous sommes tous dépositaires d’un legs commun, d’une longue et noble histoire de France, d’un certain nombre de valeurs consubstantielles de notre République. Si elle confère des droits, elle donne aussi beaucoup de devoirs, qu’on soit français de fraîche date ou pas, nous sommes tous égaux en droits et en devoirs devant notre Nation.
Ou, pour le dire autrement, ce n’est pas sa lignée qui fait de vous un bon ou un mauvais français, mais bien soi-même, que l’on s’appelle Luc, Matthieu, Mohamed ou Omar.
Ainsi, je crois que quelqu’un au nom étranger comme N’golo Kanté fait montre, de par son humilité, son don de soi et son respect des institutions, beaucoup plus pour l’image de son pays qu’un Franck Ribéry refusant de se plier aux coutumes bavaroises en ne posant pas avec une chope de bière. ( https://www.huffpostmaghreb.com/2015/08/26/benatia-ribery-posent-sans-biere-photo-bayern-munich_n_8042462.html ).
J’ai bien peur que Zemmour pratique donc l’essentialisation, voyant d’abord un étranger avant de voir un français, simplement à cause du prénom. A l’heure ou le péril islamiste frappe le monde et particulièrement la France, où les islamistes renvoient sans cesse les jeunes à leurs origines pour défier la France, il est dangereux d’à son tour pratiquer cet amalgame.
Sébastien Mounier, co-fondateur de VLR