Membre de VLR, Marc (pseudonyme) a été agressé cet été à Besançon, dans le parc Micaud, connu pour être un lieu de rencontre homosexuel. Ce qui l’a choqué était à la fois la jeunesse de ses agresseurs (une dizaine), leur discipline et leur organisation mais aussi leur modus operandi, mélange de sadisme et d’humiliation. Ils savaient ce qu’ils faisaient et le faisaient calmement. L’origine de ses agresseurs, comme le caractère militant ou militaire de leur façon d’opérer lui a fait penser que ceux-ci baignaient dans un cadre idéologique qui donnait pour eux du sens à leur agression et à leur violence : ils agressent pour établir leur ordre et n’ont même pas besoin de surjouer la haine pour faire le job. L’histoire l’a choqué et on le comprend, mais ce qu’il a encore plus mal vécu et la récupération de l’affaire par un parti politique. Là où l’organisation d’un rassemblement contre l’homophobie eût du lui donner espoir, cela l’a un peu plus désespéré quand il s’est rendu compte qu’il s’agissait surtout de faire semblant d’agir car, alors que le phénomène parait lié à un travail de radicalisation religieuse dans la communauté arabo-musulmane, l’origine des agresseurs est systématiquement niée. Seul un journaliste un peu courageux l’a osé, en utilisant la périphrase « jeunes de banlieue ». Cela interroge notre militant qui pense qu’en niant le fait que ces violences sont liées à un travail politico-religieux ciblant les jeunes musulmans, on ne les protège pas du prosélytisme islamiste. Ce faisant on expose les minorités que ciblent les islamistes : juifs, homos, femmes et à la fin, on favorise tous les amalgames faute de dire le réel. Le déni finit par exposer tout le monde à la haine.
Par MARC,
Le 12 septembre s’est tenu à Besançon un rassemblement certifié sans amalgame autour des violences qui ont émaillé l’été au parc Micaud, haut-lieu bisontin de drague gay (1) : « Ces agressions, explique-t-on, ne doivent sous aucun prétexte être prises comme un levier permettant d’ostraciser telle ou telle population, l’immondice qu’est l’homophobie n’a aucune frontière, aucune religion, aucune couleur de peau ».
Comprendre : si l’homophobie est partout, elle est nulle part, en tout cas pas là où il serait possible d’attiser la fameuse Peur de l’Autre (2). J’imagine à quelles circonvolutions les orateurs de ce rassemblement ont dû se plier pour éviter de nommer les agresseurs (3).
C’est que la réalité est complexe et terrible, me dit-on, alors il faut revenir vers des basiques : éradiquer le vilain mal homophobe, pour voir rayonner Notre Amour Rédempteur. Le slogan adopté pour ce rassemblement a quelque chose de cynique : « Les homophobes hors de nos villes ». Du point de vue de Notre Amour Rédempteur, le mal est ailleurs, donc là où il faut le rejeter, et qu’advienne la Paix du Sans Conflit ; et du point de vue de nos géographies urbaines, c’est justement vrai – mais c’est ce qu’il ne faut pas dire : quand la banlieue descend sur la ville…
Les mobilisés du 12 septembre piétinent mes blessures (4). Et je ne dis pas, moi c’est moi, il y a peut-être quelqu’un parmi les victimes qui s’écriera, au contraire, à l’adresse de nos bourreaux : « Vous n’aurez pas ma haine ». Ma blessure n’est pas un bonus à la compréhension de ce qui se passe. De la même façon que réveiller les morts du Bataclan (comme certains journalistes auraient bien été tentés de le faire, si seulement) ne tranchera pas sur la perception du concert de Médine, mon martyr n’élucidera pas l’énigme qu’est la motivation de cette bande de jeunes des cités, sa haine. Ce qui la dirige et l’ennoblit, pour aboutir à de tels comportements, répétitifs, systématisés, totalitaires. Pour le moment, n’en déplaise aux mobilisés du jour, c’est elle qui fait mal.
À pratiquer cette complaisance systématique, non seulement vous nous mettez en danger, mais en plus vous participez à produire du racisme, de la discrimination et un amalgame systématique ! Hors de question de continuer à nous laisser otage de cette minorité de jeunes que vous protégez !
Traité jusqu’à maintenant comme un fait divers, sans autre signification que l’expression choquante d’une violence dite gratuite, le mal qui a sévi cet été bisontin ne cesse d’interroger. Notre culture, nos valeurs nous invitent, nous intiment même à ne jamais baisser les bras, à essayer de comprendre et à accompagner. Nous sommes tous imprégnés de cette pensée de Rousseau : l’homme naît bon, c’est la société qui le corrompt. Alors nous ne pouvons pas, nous société, être responsables d’un tel mal s’il touche principalement une catégorie bien définie de notre population sans se poser des questions (ni amalgame, ni déni).
Faisons-le ensemble : vivrelarep25@gmail.com
Notes : 1. Cf. « Besançon : enquête ouverte après une série d’agressions homophobes », Le Figaro, 6 sept. 2018. 2. Un mythe, selon Charles Rojzman. 3. Les Jeunes Communistes du Doubs demandent plus de justice. Mais que vont-ils dire quand on connaîtra l’identité des prévenus ? Surréaliste. 4. J’ai témoigné, déjà sous le pseudo Marc, pour L’Est Républicain, cf. « Agressions homophobes à Besançon : “ Comme un jeu d’humiliation ” témoigne une victime », 6 sept. 2018. Ce témoignage n’est pas pour rien dans la médiatisation des violences, et donc dans l’organisation du rassemblement contre elles.