Viv(r)e la République s’inquiète de l’annonce très récente d’un nouveau projet de modification de la Loi de 1905 qui serait souhaité par le Président de la République.

Certes, il faudra en examiner le contenu, lorsqu’il sera disponible.

Pour autant, il est tout à fait légitime de s’interroger, tout d’abord, sur la cohérence de cette démarche, qui conduit aujourd’hui le gouvernement à communiquer lui-même sur un sujet sensible, pour lequel après de nombreux mois de discussions, il ne ressort toujours aucune décision précisément arrêtée.

Il est surtout, par ailleurs, important de rappeler le danger que constitue l’idée même de l’intervention de l’Etat dans la gestion et le financement d’un culte.

Notre rôle est donc de mettre en garde contre ce qui serait alors un dévoiement du principe de séparation des églises et de l’Etat par son contournement.

« L’islam de France », nous le pensons, sera demain un objet religieux non identifié pour des millions de croyants, mais surtout un objet politique sulfureux, comme l’ont été jusqu’alors chacune des initiatives de l’Etat, dès lors qu’il a voulu s’occuper de trop près de religion.

Cette idée d’un islam de France dans lequel la République prendrait sa part d’initiative et d’organisation, signe aussi l’échec de nos principes par la particularisation d’une religion parmi d’autres.

D’autant que le réalisme revendiqué comme la justification de ce traitement différencié, se heurte ici devant la réalité éprouvée depuis dix ans au moins, qui est celle du rapport de forces existant parmi les organisations du culte musulman.

Nous estimons que ce rapport de force ne peut, dans le cadre d’une démarche politique et dans le contexte actuel, qu’être favorable aux islamistes, laissant de côté les musulmans.
Très concrètement, c’est ce qui est observé en France depuis la création du CFCM, mais aussi ailleurs.

À Viv(r)e la République, nous pensons que le rôle de l’Etat est de fabriquer des citoyens et que cette citoyenneté est le seul rempart crédible contre l’islamisme.

Nous pensons qu’il est totalement vain de s’inscrire dans le chemin d’une contractualisation croissante des cultes avec l’état.

Par ailleurs, nous rappelons que le financement envisagé sous forme d’immeubles de rapport, dès lors qu’il bénéficierait d’un régime favorable, crée les conditions d’un développement des cultes sur financement indirect de l’Etat, en contradiction avec le principe même de non-financement, qui n’a pas été expressément consacré par le Conseil constitutionnel.

Rappelons en ce sens que l’article 19 de la Loi de 1905 permet aux associations cultuelles de « verser, sans donner lieu à perception de droits, le surplus de leurs recettes à d’autres associations constituées pour le même objet ».

Ainsi conçu, le droit permettrait à une organisation cultuelle de reverser à titre gratuit et sans impôt, les bénéfices qu’elle tirerait de la location d’un immeuble dont elle est propriétaire, à d’autres organisations cultuelles créées sur mesure. Sans perception de droits.

De fait, lorsqu’on connaît les stratégies de développement de l’islamisme, on imagine les potentialités que créeraient une telle réforme, si elle s’inspirait, par exemple, du projet de loi pour une société de confiance à l’occasion duquel elle était déjà envisagée, il y a quelques mois.

Enfin, il est étonnant qu’à considérer le principe selon lequel l’Etat français ne finance pas les cultes, il ne soit jamais jusqu’alors permis d’envisager celui selon lequel les États étrangers seraient soumis à la même règle, tandis que les dons en provenance de l’étranger seraient limités et contrôlés à raison des enjeux qui pèsent aujourd’hui autour de cette question. Au-delà d’une étude d’impact qui révélera les inévitables angles morts d’une telle interdiction, de toutes les solutions, il s’agit peut-être de la plus efficace et respectueuse de nos valeurs. L’efficacité tient ici dans la défense même de ces valeurs, sans lesquelles la perception des rapports qu’entretient la République et les églises n’a plus aucun sens.

Nous resterons par conséquents vigilants et vous tiendrons informés des évolutions en cours et de nos réactions, dès lors qu’il sera possible de prendre connaissance d’un projet plus précis que ne l’ont été les déclarations inquiétantes de la Garde des sceaux , selon lesquelles Emmanuel Macron réfléchirait à « redonner » à l’islam un « rôle particulier ».

Ce rôle particulier, nous l’envisageons comme étant celui de chaque citoyen sans distinction d’appartenance philosophique ou religieuse.

C’est à ce rôle qu’il est urgent de réfléchir.

Paris le 06 novembre 2018